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La singularité du massif des écrins pour pratiquer l’alpinisme

Frédéric Jullien, guide de haute montagne et auteur de « Massif des Écrins, alpinisme plaisir – Courses de F à TD », raconte son amour de ce massif alpin et donne ses conseils pour y pratiquer l’alpinisme, en toute sécurité.

J’ai voyagé dans de nombreux massifs alpins et à l’étranger, mais c’est dans le massif des Écrins, au bord du fil de la Durance, que j’ai posé mes valises. Pour le climat tout d’abord, particulièrement sec et radieux avec plus de 300 jours de soleil par an. Pour son relatif isolement et donc la tranquillité et la douceur de vivre. Mais surtout pour ses montagnes et vallées profondes, épargnées, qui ont gardé leurs caractères grâce à la protection du Parc national des Écrins, crée en 1973. Il faut remercier les hommes (alpinistes, naturalistes et forestiers) qui ont eu la sagesse d’imposer à l’époque cette réglementation. J’en prends la mesure quand je vois d’autres vallées alpines se développer à outrance, où l’homme finit par prendre toute la place. Ce vaste territoire intact est considéré comme le parc européen de la haute montagne et il est mon massif préféré.

Comment avez-vous sélectionné les courses que vous proposez dans votre livre Massif des Écrins, alpinisme plaisir ? et pourquoi ?

La sélection des ascensions que je propose s’est faite naturellement au fil des années en pratiquant mon métier de guide. Le choix des courses a été motivé par différentes raisons. Pour la beauté des paysages, l’ambiance et l’esthétisme des itinéraires. Par souci de cohérence avec l’évolution des conditions en montagne due au retrait glaciaire. Pour avoir un panel de difficultés variées qui permettra à chacun de faire ses gammes pour assurer une progression maîtrisée de sa pratique.

Je présente aussi bien les classiques du massif des Écrins et de l’Oisans, qu’elles soient neigeuses ou mixtes, mais en tout cas les plus accessibles pour ceux et celles qui souhaitent découvrir la haute montagne, que d’autres plus techniques pour les alpinistes confirmés avec des itinéraires plus engagés ou modernes.

 

Les conditions de la montagne évoluent, quel impact cela a-t-il sur la pratique de l’alpinisme ?

Le changement climatique modifie les montagnes de jour en jour. Des événements soudains peuvent modifier un itinéraire temporairement ou définitivement. À votre arrivée dans un refuge, demandez systématiquement les conditions du moment au gardien ou aux guides présents. Parfois, je donne deux cotations générales, l’une en début de saison estivale (juin), l’autre en cohérence avec des conditions, non pas de fin de saison (normalement mi-août), mais plutôt quand la glace supplante la neige, rendant les pentes plus techniques. Une forte canicule peut précipiter ce phénomène alors qu’un refroidissement couplé à une chute de neige peut rétablir des bonnes conditions.

Le changement climatique auquel nous assistons impacte énormément l’environnement montagnard et donc la pratique de l’alpinisme. Les températures plus douces, même en altitude, ne permettent plus à la neige de tomber en quantité, été comme hiver, et donc de renouveler les glaciers.

Les étés chauds provoquent la fonte de la plupart des névés et de la neige de surface sur les glaciers. Mise à nue, la glace fond d’autant plus vite. Les glaciers perdent de la longueur mais aussi de l’épaisseur. De manière générale, les pentes se raidissent et de grosses crevasses apparaissent. Le retrait de la glace dans les pentes met au jour des dalles lisses, compliquant l’accès au départ des voies.

Le nombre de jours sans regel nocturne en haute altitude augmente chaque année et, ce, sur de longues périodes. La glace qui soude les structures rocheuses fond en profondeur (permafrost), on assiste alors à des effondrements de pans entiers de montagnes.

Ces phénomènes rendent la montagne plus délicate à pratiquer. D’où l’importance de s’y rendre uniquement par bonnes conditions.

Quels conseils donnez-vous à ceux qui veulent s’essayer à l’alpinisme ? s’engager en haute montagne ?

Avant de « s’engager », il est nécessaire de consulter le bulletin météorologique, de se renseigner auprès des professionnels (gardiens de refuges, guides.) sur les conditions de l’objectif et de la montagne en général. S’assurer que son compagnon de cordée a le niveau physique, technique et qu’il est conscient de son engagement.

Le ressenti par apport à l’engagement vécu est propre à chacun. Il dépendra de son niveau physique et technique du moment ainsi que de sa disposition mentale. Que l’on soit premier ou second de cordée. Des conditions du terrain. De la présence ou non d’autres cordées et, bien sûr, des conditions météo.

Pouvez-vous nous parler des techniques d’assurage ?

L’engagement est aussi fonction des possibilités d’assurage à chaque course en fonction du terrain et de l’ampleur de l’itinéraire. Un passage plus technique assuré depuis un relais comportant de bons points d’assurage peut être considéré comme moins engagé que des passages en progression corde tendue avec un risque de chute dans de fortes pentes ou des barres rocheuses.

Qu’est-ce que l’assurage « corde tendue » ?

On dit aussi « en mouvement ». Les alpinistes de la cordée progressent simultanément. La corde est tendue entre eux. À la montée, le leader (devant) peut poser des points d’assurage (becquets, sangles, friends…) ou non. Dans ce dernier cas, le leader ne doit pas chuter. Le second est tenu « sec » par les anneaux que le leader tient dans sa main. À la descente, le leader reste derrière, anneaux en main pour assurer son second. La première personne peut aussi placer des points d’assurage intermédiaires dans les passages exposés.

Et les risques objectifs ?

Chutes de pierres, de glace (séracs, bloc de glace), chute d’une personne en crevasse, avalanches, foudre sont des risques que l’on ne maîtrise pas, mais dont on peut minimiser les conséquences : mettre un casque, faire demi-tour en cas de mauvaise météo, ne pas stationner dans l’axe des zones à risque et passer plus loin. Changer d’itinéraire pour un autre sommet si les risques objectifs s’avèrent trop forts (chutes de séracs dans la nuit, pas de regel nocturne, fortes chutes de neige).

Comment avez-vous hiérarchisé les 39 courses présentées dans votre livre Massif des Écrins, alpinisme plaisir ?

Elles sont organisées selon la difficulté. Une ascension s’évalue sur plusieurs critères : la difficulté générale, l’engagement, la cotation rocher, la cotation neige et glace, les cotations en escalade artificielle, la dénivellation et l’horaire (calculé pour des personnes capables d’effectuer un dénivelé positif de 350 m/h en moyenne, quelle que soit l’altitude).

Quel matériel faut-il emporter ?

– Pour le sac : son litrage sera proportionnel à la taille de l’alpiniste. Pour une course de 2 jours avec nuitée en refuge, un 35 litres suffit en moyenne. Il devra être le plus léger possible tout en étant confortable au portage. On peut y fixer bâtons et piolets.

– Piolet : droit pour les courses ne nécessitant pas une progression verticale sur de longues distances. Piolet galbé pour les courses sur de grandes pentes de neige ou glace à plus de 50°. Les leashs sont conseillés pour éviter de perdre ses engins.

– Crampons : ils doivent être affûtés et adaptés pour être fixés correctement aux chaussures.

– Casque : je le conseille pour toutes les courses, même pour les randonnées glaciaires. Il protégera des chocs en cas de chute en crevasse.

– Chaussures : celles d’alpinisme ont des semelles rigides. Elles apportent une bonne tenue des crampons surtout si les pentes sont raides et en glace. Elles seront étanches et thermiques.

– Baudrier : léger et fin, sans trop de porte-matériel pour les courses glaciaires peu techniques. Ce sera un baudrier d’escalade (plus confortable) pour toutes les autres courses où l’on est amené à se suspendre et à accrocher du matériel dessus.

– Bâtons : précieux compagnons du marcheur, ils l’aident à s’économiser à la montée et à s’équilibrer à la descente, à enrailler ses glissades, ses petits déséquilibres dans la neige humide, tout en préservant ses genoux surtout en cas de sac lourd.

– Corde : différents types de cordes correspondent à différentes utilisations. La longueur de corde varie en fonction du nombre de personnes encordées et de la longueur des rappels.

>> Itinéraire peu accidenté en neige : 1 corde à simple de rappel de 30 m (8,9 à 10,2 mm)

>> Itinéraire sur glacier : 1 corde de rappel à double (7,3 à 8,6 mm) ou à simple de 50 m

>> Itinéraire rocheux et mixte : 1 brin de corde d’attache de 50 m (8,9 à 9,5 mm)

>> Itinéraire rocheux d’escalade : 2 brins de rappel à double ou jumelé (7,3 à 8,6 mm)

Pour les parcours d’arêtes, privilégiez la corde la plus épaisse ou celle à gaine renforcée.

S’il faut faire des rappels, mais que dans la voie un seul brin suffit, vous pouvez prévoir soit un brin de plus de même longueur, soit un brin en Dyneema® en 7 mm, de même longueur, qui servira uniquement à rappeler la corde, ceci dans le but d’alléger le sac.

– Kit glacier : pour faire un mouflage simple ou pour sortir seul d’une crevasse sur corde fixe.

2 à 4 broches à glace courtes et longues, 1 sangle de 120 cm + 1 sangle de 60 cm + 2 mousquetons simples identiques + 1 mousqueton poire à vis + 1 poulie bloqueur + 1 crochet à lunule + 2 cordelettes pour faire faire un machard ou prussik.

– Kit voie rocheuse

Dégaines : en montagne, privilégier des légères pour délester le sac. De 5 à 12 selon la course.
Sangles variées : des 60 et des 120 cm, 4 de chaque est une bonne base.
Friends : un jeu ou la moitié selon les objectifs.
Coinceurs : un jeu.
Pitons : 3 ou 4 de longueurs et tailles variées. Prévoir un marteau-piolet.

– Petit équipement de base : petit couteau, frontale avec piles, guêtres (plus ou moins hautes selon les conditions et l’altitude), lunettes solaires protection 4, crème solaire indice 50, plusieurs petits contenants (bouteilles plastiques ou en plastique souple) pour l’eau (au total 1,5 l). Astuce : les glisser dans sa veste, proche du corps, pour maintenir l’eau à bonne température.

– Cartographie orientation : carte du secteur au 1/25 000, boussole, GPS ou Smartphone avec les cartes téléchargées (avec piles et batteries externes). Bien sûr le topo (ou la photocopie) de la course et même celle toute proche s’il y a changement d’objectif.

– Vêtements : une paire de gants chauds, une plus fine en cuir ou céramique Thermoline®, un bonnet ou cagoule qui se porte facilement sous le casque, une doudoune chaude compressible, une veste contre la pluie, neige, vent type Gore-Tex® ou similaire qui évacue la condensation. Même matière pour le surpantalon, une polaire ou Softshell et une première couche en laine mérinos, ou à base de fibre de bois ou en synthétique, des matières qui sèchent vite et bien. Une paire de chaussettes de marcheur (pas de skieurs) conçue pour garder les pieds au chaud et protéger des frottements importants.

– Au fond du sac : une petite trousse de secours, une radio ou téléphone, une couverture de survie, un sac plastique, des bouchons d’oreilles (pour la nuit en refuge).

Avec tout ce matériel en plus de mon livre, vous pouvez vous lancer dans le beau massif des Écrins ! Et n’hésitez pas à faire appel à un professionnel.

Retrouvez d’autres précieux conseils et les itinéraires de 39 courses dans le Massif des Écrins dans son livre Massif des Écrins, alpinisme plaisir – Courses de F à TD.

Biographie de Frédéric Jullien

Guide de haute montagne, Frédéric Jullien vie dans les Hautes-Alpes et travaille dans le massif des Écrins. En tant que professionnel, il lui tient à cœur de transmettre sa passion des montagnes. Il a effectué de grands voyages à pied dans les Alpes, les Andes, en Afrique, en Asie, au Canada et dans le Sahara. Il a écrit trois ouvrages relatant ses expériences aux Éditions du Fournel : La Traversée des Pyrénées (2003), La Traversée du haut Atlas (2005), Rumeurs des Andes (2006). Il a créé ROC ÉCRINS et propose des séjours de ski de randonnée et de ski hors-piste, de raquette, d’alpinisme, d’escalade, de randonnée à pied encadrés par des guides et des accompagnateurs en montagne.

Crédit photographique pour les 2 photos : François Mochi

Achetez le livre : Massif des Écrins, alpinisme plaisirCourses de F à TD

 

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