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Il relie Thonon à l’Islande à vélo

Il y a maintenant trois semaines que j’ai quitté ma maison près du lac Léman pour entamer cet incroyable périple à vélo, en solitaire, en direction de l’Islande. Avec des journées réduites aux besoins primaires – pédaler, manger, dormir – loin du tumulte du quotidien, ce voyage se transforme rapidement en une expérience profondément thérapeutique. Dès les premières lueurs de cette aventure, une déferlante d’euphorie et d’émotions me submerge, balayant des années de contraintes personnelles et professionnelles, pour les remplacer par un tumulte indomptable de liberté absolue et un bien-être d’une intensité insoupçonnée.
La traversée de la Suisse se passe globalement bien, à l’exception d’une petite erreur de parcours qui me fait affronter une route escarpée à 18 %, me rappelant que ce voyage ne va pas être de tout repos. L’Allemagne me réserve son lot de surprises, avec des kilomètres de portions Gravel à travers des forêts magnifiques, des collines abruptes et des étendues de champs de colza à perte de vue. Le Danemark, quant à lui, m’offre un avant-goût de l’Islande avec d’interminables lignes droites balayées par un vent de face tenace.
Après 18 jours de pédalage sans relâche et 1800 km parcouru, j’atteins Hirtshals et la mer du Nord ou le MS-Norrøna, le ferry de la Smyril Line pour l’Islande m’attend. À ce moment précis, je réalise que je viens de concrétiser mon rêve : rejoindre l’Islande à vélo en solitaire. Tout ce qui m’attend désormais n’est qu’un précieux bonus.

Après trois jours en mer, une vision captivante se profile à l’horizon. Incrédule, je saisis mes jumelles.
L’Islande se révèle, drapée de neige ! Les prévisions météo annoncent de nouvelles chutes de neige dans le nord, aussi je décide de débuter mon périple par la côte méridionale de l’île.
Quelques jours plus tard, à Vik, je m’interroge sur la pertinence de ce choix. Si les deux premiers jours en terre islandaise m’ont offert une météo exceptionnellement clémente, voilà maintenant 10 jours que le vent se déchaine sur moi avec une violence inimaginable, ralentissant inexorablement ma progression. Chaque jour se transforme en une lutte pour rester en selle et gagner quelques kilomètres sur d’interminables lignes droites, m’épuisant tant mentalement que physiquement. J’ai l’impression de gravir des montagnes invisibles. Mon enthousiasme cède peu à peu la place à la résignation.
Avec une semaine de retard sur prévisions, me voilà à Reykjavik. Cette situation m’oblige, si je veux avoir une chance de rejoindre Seyðisfjörður à temps pour monter à bord du ferry, à réajuster mon itinéraire et à abandonner mes rêves de découvrir les fjords de l’ouest. Dès lors, je trace plein nord, profitant de l’occasion pour faire un détour par le site historique de Þingvellir et la faille de Silfrugjá, avant de rejoindre Hrútafjörður et pouvoir enfin abandonner l’asphalte de la route circulaire et profiter de la solitude des pistes plus ou moins chaotiques des fjords du nord.
A la faveur d’une météo plus clémente, mon aventure prend un air de « vacances ». Rouler (re)devient une source de plaisir, d’autant plus que les paysages qui m’entourent sont un enchantement. Si la côte sud se dévoile comme une splendide désolation, avec ses étendues de champs de lave à perte de vue et ses plages de sable noir mystérieuses, la côte nord, sauvage et préservée du tourisme, fait la part belle à la nature avec ses champs de lupins d’Alaska et ses forêts de mélèzes de Sibérie. La faune elle-même semble reprendre ses droits. Parmi les milliers de moutons qui règnent en maîtres sur l’Islande, viennent se joindre des colonies de macareux, et des centaines de sternes arctiques, qui se lancent en formation serrée pour défendre leurs nids.

Mon périple prend une nouvelle dimension, effaçant comme par magie les épreuves traversées jusqu’alors. Parcourir des kilomètres de pistes sans croiser âme qui vive m’emplie d’un sentiment d’intense liberté.

Arrivé à Egilsstaðir avec 5 jours d’avance, je profite d’une météo estivale pour m’offrir quelques magnifiques rando Gravel en mode « tête dans le guidon » et découvrir l’Islande orientale, avant de finalement rallier Seyðisfjörður et d’embarquer sur le ferry direction le Danemark.
Après un dernier regard sur l’Islande, je rejoins la « Lanterna Magica », le salon panoramique du MS Norrøna, où, vautré dans un canapé, je tente de répondre à la question qui hante mon esprit depuis mon arrivée : Que suis-je venu chercher en Islande ?
Malgré trois jours de traversée et quinze jours à parcourir l’Europe pour rentrer à la maison, la réponse n’est pas évidente à trouver ! Une seule certitude : l’Islande a tenue toutes ses promesses, m’offrant une expérience de vie hors du commun. Si les insulaires, habitués à ces conditions de vie hors du commun, semblent indifférent aux épreuves endurées par les cyclo-voyageurs, il en va autrement des touristes et expats dont la bienveillance est aussi surprenante qu’appréciée. Ma plus belle rencontre est Andréa & Tudor, un couple d’expat roumain qui me voyant lutter contre un vent démoniaque, m’ont spontanément offert un abri pour la nuit.
Il m’aura fallu 31 jours et dépasser mes limites, tant physiques que mentales, pour parcourir les 2600km et les 30’000 m de dénivelé de mon aventure islandaise. Et 77 pour faire un « tour du lac Léman » un peu particulier de 6400 km.
Un voyage sous forme de thérapie qui aura modifié ma perception du quotidien… Un voyage dont on ne sort pas indemne !

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