Lutter avec acharnement pour atteindre son objectif, savoir s’émerveiller le long du chemin.
Instagram : @les.engages
Nous sommes Les Engagés : Thomas, Maxime et Valentin. Nous ne sommes pas des professionnels de l’aventure comme Mike Horn, des sportifs de haut niveau ou des anciens des forces spéciales. Nous avons tous un métier classique et habitons en ville (à Paris). Et pourtant, nous nous donnons les moyens d’organiser et de mener de grandes expéditions de A à Z, en autonomie complète.
Après la traversée du Groenland en 2018, et l’ascension de l’Aconcagua (6962m) en 2019, nous venons de rentrer de notre 3e expédition en autonomie, qui est aussi la plus dure expérience de notre vie : atteindre le Cap Nord (Norvège) à travers 3 semaines de nuit polaire. L’expédition est même passée au JT norvégien !
Pour atteindre ce point le plus au nord de l’Europe, nous avons dû trouver la force de surmonter les rudes épreuves que ce territoire polaire nous imposait chaque jour : nuit polaire, tempêtes, gorges infranchissables, maladie, forêts impénétrables, courants marins, avalanches… les péripéties ont été nombreuses et ont exigé une bonne dose d’humilité ! Fort heureusement, nous avons aussi pu nous émerveiller en chemin.
Voici notre journal de bord.
******
JOUR J – DERNIERS RAYONS DE SOLEIL AVANT LA NUIT POLAIRE
Nous y sommes enfin. Après six mois de préparation, nous voilà à l’aéroport Paris CDG et nous venons de charger 200kg de matériel expéditionnaire.
Nous savourons de savoureux croissants, les derniers avant de plonger dans la nuit pour vingt-trois jours. Nous espérons que nos bagages arriveront à bon port, sans quoi la logistique sera compromise.
Décollage à 10h50 de Paris. En correspondance à Helsinki, nous repartons pour Ivalo, tout au Nord de la Finlande. Nous y passerons une dernière nuit bien au chaud. Une dernière nuit dans un lit.
Nous nous hâterons de terminer d’ultimes préparatifs : vérifications diverses de matériel, test des moyens de communication, récupération de 15l d’essence. Dès demain, nous prendrons un bus qui nous conduira à Karasjok, en Norvège. Nous avons prévu de chausser les skis à la sortie du bus. C’est un peu violent comme départ, mais cela nous plaît.
A travers le hublot de l’avion, nous apercevons nos derniers rayons de soleil et ce pour trois semaines.
Nous sommes à la fois excités, impatients et concentrés, car le défi est désormais devant nous.
Demain sera premier jour de l’expédition et nous partirons à l’assaut du Cap Nord, en autonomie et sans assistance, à travers la nuit polaire.
KARASJOK – LE DÉPART
Après plusieurs péripéties, nous sommes finalement parvenus à prendre l’unique bus quotidien à Ivalo (Finlande), où nous avons passé la nuit, pour rejoindre Karasjok (Norvège), ville de notre départ en ski de randonnée nordique.
En effet nous avons dû faire face à différents incidents depuis notre arrivée à Ivalo.
Tout d’abord, deux de nos bagages manquaient à l’appel : les skis et toutes les affaires de Maxime, ainsi qu’un sac de nourriture. Nous avons perdu 12kg de nourriture, soit l’équivalent de quatre jours… Fort heureusement, à minuit, on frappe à la porte de notre chambre. Les deux bagages manquants sont déposés comme par magie. La chance nous sourit et nous nous rendormons paisiblement.
Ce matin, le programme est chargé. Nous sommes allés faire des courses pour remplacer la nourriture perdue.
En nous renseignant auprès des habitants, nous confirmons que les lacs et les rivières sont bien tous bien gelés. Le fleuve de glace qui serpente plus bas dans la vallée est d’ailleurs là pour en attester. Les motos neige circulent dessus, ce qui nous rassure.
En revanche, les finlandais trouvent que nos skis sont trop petits au vu de la quantité de poudreuse. Il y a en ce moment 1 mètre de neige légère. Nous nous renseignons auprès de l’unique magasin de sport de la ville dont les vendeurs nous recommandent des skis de 270cm. Inquiétant : les nôtres ne font que 180cm. De toute façon ils n’ont pas les fixations qui conviennent. Nous décidons que l’effort sera plus intense et puis c’est tout.
Après trois heures de bus nous sommes déposé à 19h à Karasjok. Il fait nuit noire. Une obsucrité épaisse et froide. Sans frontale la visibilité est complètement nulle.
Pas le temps de niaiser, nous chaussons les skis, chacun avec sa pulkas pesant 71kg et nous nous enfonçons dans la nuit polaire.
Quatre heures de marche pour cette première journée d’expédition.
JOUR 2 – ON N’EST PAS ARRIVÉ AU CAP NORD
Ce matin réveil à 10h30, soit 7h30 de sommeil. Pas le temps de flâner, chacun sait qu’une expédition se joue à chaque minute : plus vite on sort de la tente, plus vite on marche, plus on met les chances de notre côté. Après seulement deux heures, la tente est pliée et nous sommes en marche. L’esprit volontaire, Maxime s’engage dans la première trace.
A notre grande surprise, une forme de luminosité subsiste de 10h jusqu’à 14h. Cette faible clarté facilite la trace car elle permet une bonne visibilité. Mais évoluons encore dans un milieu boisé, et notre progression est laborieuse, malgré d’énormes efforts. Nous buttons dans les branches, les pulkas s’agrippent, les skis s’emmêlent. Nos bâtons s’enfoncent dans la poudreuse à nous faire chuter. Nous nous perdons dans l’épaisseur des bois.
Après 10h de lutte nous avons seulement parcouru 7km. Ce bilan est dérisoire par rapport à l’objectif de 18km/jour qui doit nous permettre d’atteindre la Cap Nord.
Le moment le plus dur de la journée, ce sont ces 2 heures d’effort brutal que nous avons passées à nous enfoncer dans la neige jusqu’aux hanches pour passer une ligne de niveau qui semblait ridicule sur la carte. Nous apprenons à nos dépend que 30m de dénivelée ne sont pas chose anodine. Une fois le plateau atteint, nous faisons du 2km/h, soit légèrement au-dessus de l’objectif. Nous voilà rassurés.
Nous traversons nos premiers lacs, encordés et avec gilet de sauvetage. Un principe de précaution que nous abandonnerons rapidement. Les lacs sont gelés et regelés et nous n’avons pas de temps à perdre à nous encorder. Les lacs sont une aubaine car nous progressons rapidement sur ces étendues plates.
Éreintés, nous posons le camp à 22h15, sous la première aurore boréale de l’expédition. Malgré le vagues à l’âme ambiant, nous nous disons que l’objectif est atteignable à condition d’être protocolaire et de tenir le rythme.
Nous fermons les yeux pour 7h15 de sommeil en pensant à l’objectif des 18km qu’il nous faut absolument atteindre demain : tout optimiser pour gagner des kilomètres.
JOUR 3 – NOUS LUTTONS POUR Y ARRIVER.
Après les lourds efforts d’hier pour peu de kilomètres parcourus, aujourd’hui nous comptons sur l’analyse de la cartographie et un relief plus clément pour mettre un maximum de distance derrière nous.
7h15 précises de sommeil et 2h15 pour prendre le petit déjeuner lever le camp. Déterminé, Valentin donne le départ.
Aujourd’hui nous changeons de rythme : nous décide de faire six traces de 1h20 suivies de deux traces de 1h avec 10 minutes de pause entre chaque trace, au lieu de 10 traces de 1h. On gagne 20 minutes par jour, prélevée sur du temps de pause. Cela parait bien peu de chose 20 minutes mais cumulées pendant 20 jours elles représentent une journée de marche. Nous savons que l’expédition risque de se jouer à cela.
Après deux traces plutôt efficaces où nous pouvions bénéficier d’éclaircies blafardes, les choses comment à se gâter. En voulant traverser un léger court d’eau, nos skis et nos pulkas prennent l’eau qui affleure sous la neige. L’eau gèle instantanément. Les ski râpent la neige. Impossible d’avancer, nous sommes pris dans la neige. Il nous faudra passer 1h à racler le gel de nos skis et pulkas à l’aide de nos couteaux. L’objectif paraît loin mais le moral tient bon.
À la trace suivante rebelote. En longeant un lac nos skis fouillent la neige mouillée. La sanction est immédiate, les voilà gelés. Valentin sort son couteau et racle en vitesse les skis du groupe. Nous avons à nouveau perdu 30 minutes.
Après six traces de 1h20, nous ne nous sentons pas de faire deux heures de plus. Alors Valentin se porte volontaire pour tracer 1h30 d’un coup et économiser ainsi du temps de pause. Le compromis fait consensus.
À 21h35, nos lourds efforts sont récompensés par des aurores boréales. Nous posons le camp en toute hâte.
Résultat des courses : 16,5km parcourus en 9h30 de marche dont 8h effectives soit plus de 2km/h. Le rythme est en ligne, la distance reste insuffisante. Nous pestons contre cette eau qui a glacé nos skis.
Il faudra se battre pour arriver à temps au Cap Nord, et c’est bien notre intention…