Le journal de bord des Engagés se poursuit au réveil du 4ème jour…
JOUR 4 – L’ANNÉE SE TERMINE PLUTÔT BIEN
Après 7h de sommeil le moral des troupes rechargé, nous nous attaquons à nos 10h de marche.
Ce matin, l’ambiance était froide avec un ressenti -35 degrés. Ces températures mettent tout le monde d’accord. Pas de doute, nous sommes bien dans l’expédition.
Un événement complétement incongru est pourtant en train de se préparer. Dès la première trace, nous croisons un berger qui s’approche de nous en motoneige. A peine s’arrête-t’il pour nous saluer que son engin se met à brûler sous nos yeux. Nous l’aiderons du mieux possible pour éteindre l’incendie mais rien à faire, la motoneige finit carbonisée. Nous attendons qu’un de ses camarades viennent le secourir et repartons immédiatement. L’expédition n’attend pas.
Le berger nous recommande un autre itinéraire que celui qu’on a choisi pour atteindre les montagnes. Bien que ne disposant pas des cartes associées à cet itinéraire nous décidons d’y aller à l’instinct et de suivre ses conseils.
Les premières traces sont froides, le vent souffle et nous devons sortir les grosses moufles et les masques. Le froid mord chaque cm de peau laissé à l’air libre. Nous avançons vite les trois premières traces car la neige est durcie par le froid. Mais ces bonnes conditions se gâtent avant la mi-journée.
Maxime entame la 4e trace, vent de face. Il neige, il fait nuit noire, nous nous enfonçons dans la neige et ne voyons rien à plus de 5m. Bref la trace est exténuante. Après quelques minutes, Maxime perd patience car ses mains sont congelées par le vent et le froid, bon camarade, Thomas lui confie ses moufles pour continuer la trace.
C’est au tour de Thomas de tracer. Nous revoilà perdus dans la forêt. Privés de visibilité, nous zigzaguons. Les esprits s’échauffent car nous sentons que nous faisons du sur-place. Mais par chance nous croisons sur une piste de motoneige que nous décidons de suivre. Au bout de 3h, nous la piste semble bifurquer vers l’Ouest. Ouvre-t’elle sur un passage pour atteindre un col, porte d’entrée de la zone montagneuse ? Valentin détache sa pulka et part en éclaireur. 10 chrono à fond dans un sens pour confirmer le virage et 10 min pour revenir. Ce coup de sonde sur 1,5km confirme le virage. Nous décidons de l’emprunter.
La dernière heure de marche est épuisante. La pente est raide, les pulkas sont lourdes, ça tire sur les talons qui geignent après 9h qu’on marche. Nous n’en pouvons plus. À la fin de l’heure le col est atteint et nous avons hâte de nous mettre relativement au chaud dans la tente.
Une fois le camp monté, Valentin nous réserve une surprise : une fiole de 5cL d’alcool de Combier par marcheur, pour fêter la journée et la nouvelle année. Suffisant pour nous plonger dans un état d’ébriété certain. Thomas renoue avec son accent belge, nous rions aux éclats. A 23h40, tout le monde est couché et nous souhaitons à nos proches de pouvoir réalisez leurs rêves en 2020.
JOUR 5 – JOURNÉE NOIRE
Nous nous levons déterminés à marcher 20km. L’objectif ? Atteindre le vaste lac qui borde la zone montagneuse. Un objectif raisonnable étant donné que nous quittons enfin les bois pour de profondes plaines. La neige est dure, soufflée par le vent, glacée par le froid. Il fait -20 degrés. Bref, les conditions sont idéales pour avancer.
Et pourtant nous tapons immédiatement un point dur. Maxime se réveille nauséeux et fiévreux. Un coup de mou passager ? Il ne désarme pas et entame les premières heures de marche, en serrant les dents.
Malgré sa bonne volonté, son état empire rapidement. Il est traversé de frissons, pris de diarrhées et son niveau d’énergie est au plus bas. Thomas, puis Valentin reprennent sa pulka. Maxime est silencieux et fait face. Thomas et Valentin croulent sous le poids du chargement. En effet, l’attelage des deux pulkas pèse 130kg. Lorsque le terrain est plat et la neige glacée, c’est dur mais c’est possible. En revanche, à la moindre côte ou dans la poudreuse, l’effort est dément. Les skis glissent, nos bâtons s’enfoncent dans 50cm de neige. Nous chutons sans arrêt. Les épaules et le dos souffrent le calvaire. Nous sommes des escargots et pourtant nous luttons de toutes nos forces. Nous savons qu’aujourd’hui sera une mauvaise journée mais nous voulons limiter l’ampleur de la pénalité.
C’est peine perdue, il est 16h et nous n’en pouvons plus. Cette journée est terrible pour tous et nous faisons face à un cas de force majeur. Il faut bien s’y résoudre.
Nous ne nous laissons pas abattre. Au milieu d’une nuit noire et sans étoile nous montons péniblement le camp. Maxime se réfugie dans son duvet, Valentin fait bouillir l’eau et Thomas appelle l’assistance médicale de l’IFREMONT.
Demain sera un autre jour, l’expédition se poursuit.
JOUR 6-7 – LE DILEMME
La première bonne nouvelle c’est que Maxime va beaucoup mieux, il a repris du poil de la bête et après une marche légère avant-hier, il est prêt à reprendre un rythme normal.
Nous sommes arrivés hier au pied de la zone 2 : le massif montagneux. Nous faisons alors face à un dilemme : traverser le massif au risque de perdre du temps et de l’énergie en tirant nos pulka sur une zone accidentée comportant d’importants dénivelés ou contourner le massif par l’Ouest, option moins risquée mais qui semble exclure définitivement la possibilité de finir l’expédition dans les temps.
Après avoir étudié la carte, la température et les vents nous optons pour l’option 1, plus risquée mais qui laisse une chance de succès. Nous optons pour un couloir repéré dans le massif qui nous semble être un bon compromis entre le dénivelé et la distance.
Déterminés, nous nous lançons à l’assaut du couloir. Le vent est faible et les faibles températures des jours précédents facilitent notre avancée grâce à une neige glissante. En descente, nous avalerons jusqu’à 5km par heure, une divine surprise !
Le choix du couloir, porté par Thomas, était audacieux. Il s’est avéré payant. Nous atteignons enfin nos objectifs de distance quotidienne et rattrapons les pénalités cumulées sur les derniers jours.
Cette avancée nous exalte mais nous restons humbles face à cet environnement imprévisible qui nous a déjà beaucoup mis à l’épreuve.
JOUR 8 – À TRAVERS LA TEMPÊTE
Chaque jour, la Laponie nous envoie un nouveau coup, et chaque jour il est différent : la forêt impénétrable, les gorges infranchissables, le froid polaire, la glace sous les skis, la nuit noire, la neige, la maladie… Nous espérons que la Laponie a jeté ses dernières forces dans la bataille qu’elle a décidé de nous livrer aujourd’hui.
Cet énième coup dur qui nous est porté prend la forme d’une tempête polaire qui nous frappe en montagne. Les vents souffle de face à 60km/h et la neige nous fouette le visage. La visibilité est nulle et le terrain glissant qui nous fait chuter. Ces conditions mettent notre mental à rude épreuve.
Mais les nerfs tiennent bon et nous avançons, contre le vent, contre la neige, contre le froid, contre les chutes. Nous savons ce qu’il nous reste à faire : sourire et faire face.
Nous progressons lentement mais nous tenons le rythme. Nous nous disons que la tempête va cesser mais il n’en est rien. Trace après trace le vent du Nord souffle toujours sur nous, et nous imaginons déjà une journée longue et abominable.
Après 6h d’angoisse et d’adrénaline, les montagnes semblent nous tendre une main amicale. Nous descendons dans la vallée, contents d’être passés à travers ce qui semble être la plus grosse tempête de l’expédition.
De puissantes aurores boréales nous accueillent à notre arrivée. Le spectacle est époustouflant. Laponie semble nous féliciter pour notre combativité. Le camp est posé après 10h de marche et 17km de parcourus à vol d’oiseau : une belle percée.
Plus que 130km avant le Cap Nord, l’expédition est relancée. Mais ne lâchons rien, nous savons que les prochains jours nous réserverons bien d’autres festivités…