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Comment s’alimenter par – 30 ° C ? Partie 2.

Partie 2 : 5000 calories jour et 8 kg perdus

Pour lire la partie 1 !

Pendant votre expédition, quelle place occupait l’alimentation dans vos journées ?

L’alimentation a occupé une place cruciale pendant ces 30 journées de marche en milieu polaire. C’est même ce paramètre qui rythmait nos journées. Imaginez-vous dix heures de marche par jour, 90kg de charge, par -30°C dans un paysage d’infini blanc sans aucune stimulation extérieure. Les pauses repas ou collations représentent alors non seulement une interruption dans la monotonie de la progression, mais également l’un des rares plaisirs de la journée. Nous faisions deux repas par jour, un le matin et l’autre le soir et nous nous arrêtions environ toutes les heures pour une collation. Il était donc essentiel pour nous que nos rations ne soient pas uniquement un carburant mais qu’elles nous procurent un réel plaisir gustatif. Chacun avait sa recette préférée, Thomas craquait pour le poulet colombo, Lucas pour les pâtes bolognaise et moi, mon pêché mignon, c’était la fondue avec ses petits croûtons.

Les repas étaient d’autant plus appréciés qu’ils étaient le prix de nombreux efforts. Car contrairement à la facilité que nous connaissons dans notre vie quotidienne, en milieu polaire, manger a un prix. Avant de pouvoir savourer nos repas, il nous fallait faire fondre de la glace en manipulant le réchaud gelé, l’alimenter en essence et surveiller le feu à genoux ou allongé, face à la fosse à froid. Pour nos deux repas, rapidement engloutis, nous passions 4 heures par jour à faire la cuisine. Et pendant les pauses, pour profiter de nos collations, nous devions sortir les vivres de courses, enlever une ou deux paires de gants, prendre des poignées, les mâcher, boire dans le réchaud, puis ranger le tout dans la pulka à l’issue. Tous ces gestes sont répétés mille fois et prennent une énergie considérable.

Toujours concernant votre alimentation, pendant votre phase d’organisation, comment avez-vous géré la possibilité d’imprévus pouvant rallonger la durée de votre expédition ? Puis, comment l’avez-vous maîtrisé en situation réelle lorsque vous avez appris que l’hélico qui devait vous extraire ne pourrait pas se poser dans le délai prévu ?

Nous pensions pouvoir terminer l’expédition en 30 jours grand maximum, en comptant 3 jours d’immobilisation pour cause de tempête. Nous avions pris 31 rations. C’était sans compter sur l’imprévisibilité du Groenland. Nous avons subi 5 jours de tempête et affronté des centaines de kilomètres de neige molle, de vents contraires, souvent en whiteout. Nous n’avons pas su rattraper ce retard. Au trentième jour, nous arrivons, épuisés, au point d’extraction et apprenons que hélicoptère refuse de se poser en raison des conditions météo. L’épaisse couche de nuages l’empêche de voir le sol, il risque le crash. La seule fenêtre de beau temps déterminée à ce moment-là n’étant que 4 jours plus tard, nous nous organisons alors pour que la 31e ration dure 4 jours. Chaque tente répartit les aliments à sa manière, dans l’incertitude. Mais finalement, la chance nous sourit et nous nous réveillons 24h plus tard sous un beau ciel bleu dégagé. Après la première rotation de l’hélico, dans l’euphorie du moment, nous n’avons pas pu résister à la tentation de nous offrir un petit festin avec les vivres restants, il fallait bien fêter ça !

Comment avez-vous vécu l’après ? Quel bilan tirez-vous de votre organisation sur le plan alimentaire (quantité, état de forme général, perte de poids…) et comment s’est passé le passage du rationnement à la reprise d’une alimentation « normale » à votre retour ?

Le retour à une alimentation normale est délicat. À l’issue de l’expédition, la possibilité d’avoir accès à une nourriture variée et en grande quantité est un défi lourd à appréhender pour le système digestif. Par exemple, à notre arrivée à Tasilak, nous avons fait un festin autour du buffet à volonté de l’hôtel. Plusieurs d’entre nous ont subi des vomissements incontrôlés. Ce phénomène s’est poursuivi plusieurs jours pour l’un d’entre nous. Il faut bien s’imaginer que le corps s’est habitué à une alimentation réglée au gramme près et selon une régularité imperturbable. Il se sent malmené. Bon, cela ne m’a pas empêché de me régaler d’un tartare à mon retour en France !

La perte de poids est l’un des faits marquants de l’expédition. J’ai perdu environ 8kg, c’est-à-dire que je suis passé d’un poids de 80kg à 72kg. Je n’étais pas lourd pourtant. C’est là que l’on réalise que l’apport calorique de nos rations était insuffisant. J’étais en déficit calorique pendant toute l’expédition. C’est-à-dire que mon corps dépensait plus de calorie en perte de chaleur et en effort qu’il n’en recevait en compensation via l’alimentation. Pour compenser, il a brûlé les graisses et surtout les muscles. Je suis revenu très maigre et très faible alors que j’avais bâti une bonne condition physique aux termes de mois d’entraînements.

À notre retour nous ne savions pas exactement quel pourrait être un bon programme nutritionnel de réadaptation.

Nous sommes tous revenus du Groenland avec un psychose autour du beurre. Le beurre est l’élément le plus calorique avec l’huile d’olive, un vrai sésame. Plus, une assurance vie. Le fait de l’avoir rationné strictement, tranche par tranche, d’en avoir manqué sur la fin de l’expédition suite à un partage inéquitable a véritablement transformé notre rapport au beurre. Nous en abusons encore aujourd’hui au petit déjeuner et nous nous accusons mutuellement d’avoir volé la dernière plaquette de beurre de l’expédition, bien que l’un d’entre nous ait avoué sa faute à demi-mot, des mois après le retour de l’expédition.

Pendant cette première expédition polaire, vous avez acquis toute une nouvelle expertise et appréhension de ce milieu. Que ferez-vous différemment pour votre prochaine expédition polaire ?

Nous avons déjà engagé une réflexion sur la prochaine ration de l’expédition qui devra évoluer.

La ration Engagée devra répondre aux qualités suivantes :

– Une organisation ultra efficiente des éléments dans le sac pour gagner du temps : la ration Engagée doit être un protocole à suivre les yeux fermés. Pas de questions à se poser tout se déroule dans un ordre précis, le bon ordre.

– Élimination maximale des emballages : ne pas nous encombrer de poids inutile pour l’expédition, sous forme de poubelles qui pèsent jusqu’à 5 kg par personne ! Donc privilégier le vrac pour certains éléments.

– Préparation des aliments en amont : nouilles chinoises déjà concassées, par exemple.

– Amélioration du ratio calorie / poids : davantage de beurre et d’huile d’olive – cette dernière doit être mieux compartimentée, nous l’avions en glaçons ce qui n’est pas pratique, ½ paquet de nouilles chinoises par personne en plus, pâtes de fruits/d’amande, etc.

– Progressivité de la valeur nutritionnelle des rations dans le temps, notamment pour l’huile et le beurre, de façon à habituer l’organisme à digérer ces matières grasses et à monter en calories au fil de l’expédition, lorsque les besoins sont plus importants et que le corps commence à puiser dans ses réserves.

– Des rations « surprise » pour introduire ponctuellement une nouveauté réjouissante pour le palais.

Mais avant de mettre tout cela en pratique lors de notre prochaine expédition polaire, nous allons aussi découvrir les enjeux de l’alimentation en haute montagne pour notre première tentative d’ascension de l’Aconcagua, 6962 m de défi physique. Restez connectés pour découvrir notre retour d’expérience !

Suivez les aventures de la team Engagés sur leur Instagram : @4engages

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