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GR 21 en marche forcée

Avec l’équipe Engagés, nous avons passé le week-end à faire ce que nous appelons une « marche forcée ». Pour cette sortie, nous explorons le GR 21, le long des côtes normandes. Le principe est simple : partir en autonomie pour relier 2 points écartés d’une distance relativement importante, 95km cette fois-ci. Nous avons un peu moins de deux jours pour tenter de réussir cette aventure.

Nous sommes partis de la gare de Paris Saint Lazare, le vendredi en fin de journée, pour arriver en début de soirée au Havre. L’objectif est d’atteindre Veulette-sur-mer à 95km à pied, le dimanche après-midi. Objectif atteint, mais ce n’était pas si évident.

Avec déjà quelques expériences de week-end de marché forcée, nous avons décidé cette fois d’améliorer notre préparation. Comme nous partons à 4, nous nous sommes rendus compte lors des derniers week-ends qu’il était important d’avoir un canevas clair et précis, pour que chaque membre du groupe ait une tâche attitrée de la logistique de préparation : prévoir les transports aller et retour, la nourriture et les quantités, l’itinéraire, la tenue et le matériel nécessaire, les moyens de communications disponibles, le couchage, etc. L’approche est rôdée, la préparation est efficace. A titre d’exemple, voici nos besoins en alimentation pour 4 (de vendredi soir dîner inclus à dimanche après-midi) : 4 lyophilisés MX3 + nouilles chinoises (16 paquets) + cafés soluble (25 dosettes) + fromage (1kg) + jambon (500g) + beurre (250g) + pain (4 baguettes) + pommes (x8) + bonbons (3 paquets) + saucisson (x4) + bouteilles d’eau (beaucoup ! Il faut boire de l’eau, beaucoup d’eau).

Nous sommes donc partis de Paris à 18h24 de Gare Saint Lazare pour arriver au Havre, s’enfiler un sandwich et départ de la marche depuis la gare du Havre à 21h08. L’objectif de la soirée était de parcourir une quinzaine de kilomètres pour planter les tentes après Montivilliers. Après 2h30 de marche dans la nuit à la frontale sous les étoiles, nous finissons par tomber sur une clairière avec de grosses mottes d’herbes, plutôt molles, qui nous semblent assez confortables pour y passer la nuit. Le choix du spot dodo est important, car nous n’avons que 5 heures de sommeil prévues. Il faut que le sol soit plat, sans trop d’irrégularité pour pas se retrouver avec une bosse sous le dos pendant la nuit. On installe les tentes et on retrouve directement Morphée pour 5 heures précieuses de sommeil (qui seront quasiment les seules du weekend…). Demain nous avons 12 heures de marche, il faut se reposer.

Réveil 6h, Valentin crie « Debout les mooooooorts ». Chaque binôme de tente s’organise pour faire son petit déjeuner (nouilles chinoises et café), ranger son couchage et sa tente : nous partons à 7h30. Le soleil se lève à peine sur la Normandie, il fait encore frais et humide, la campagne va tranquillement se réveiller avec nous. Nous nous fixons un rythme de marche : 2h de marche puis 20 minutes de pause.

Les kilomètres défilent, le jour se lève sur la campagne Normande, et sous une pluie fine propre à la région nos 4 sac à dos traversent des villages encore endormis. Le terrain alterne entre chemin de campagne, route goudronnée et sillons boueux. Le groupe avance parfois à 4 alignés, deux binômes qui se suivent ou bien en file indienne en fonction du terrain, néanmoins le groupe reste compact et le rythme soutenu : ce n’est que le début de la journée. Au fur et à mesure que nous approchons de la côte, le terrain s’aplanit et nous avançons désormais vers une ligne d’horizon dégagée qui s’étire au loin et qui rappelle à certains celle du Groenland, en plus verte. En milieu de journée, nous marchons depuis près de 6 heures lorsque l’horizon vert fait soudain place à la mer. Ce changement de décor est le bienvenu, l’étendue d’eau grise et glacée rompt avec la monotonie du paysage de ce matin et vient redonner de nouvelles forces au groupe qui commence à s’étirer. Nous ne quitterons plus la côte jusqu’à notre arrivée à Veulette sur Mer prévue au lendemain. La marche le long du rivage signifie que nous devons désormais avancer sur une typologie de terrain différente et renouer avec un léger dénivelé.

Notre équipe fait étape à Etretat pour faire le plein d’eau potable, entre notre départ hier soir et ce midi, nos réserves sont à sec. Et si les Normands que sont avons rencontrés lors de notre aventure d’un weekend ont été tous particulièrement chaleureux et accueillants, ce n’est pas le cas du patron de la brasserie chez qui nous nous arrêtons et qui nous met littéralement à la porte alors que Maxime lui présente la 6ème bouteille vide que nous souhaitons remplir. OK, un peu facile de critiquer alors qu’on le dérange lui et son équipe en plein service. Dehors, le serveur de la brasserie d’à côté vient lui carrément nous voir pour spontanément nous proposer de remplir nos bouteilles. On est rassurés, les prochains randonneurs qui traverseront Etretat les gourdes vides seront entre de bonnes mains.

Un peu avant 15h, le groupe s’arrête en haut d’une falaise et sort le casse-croute. Pas évident d’allumer le réchaud avec le vent du large, mais avec un peu de persévérance. L’eau bout, les nouilles cuisent et…le chrono est lancé : chaque minute de gagnée maintenant c’est une minute de sommeil en plus cette nuit. D’autant que le groupe commence à sentir que ce qui s’annonce ne va pas être une partie de plaisir, encore beaucoup de kilomètres à avaler avant de pouvoir poser la tente, les premières douleurs au pieds font leur apparition, mauvais présage, car ces choses-là ça ne va jamais en s’améliorant. Et le temps qui s’était un peu éclaircit recommence à se dégrader. En Normandie, il fait beau plusieurs fois par jour. Presto donc, le groupe est de nouveau en mouvement.

Les heures s’écoulent et l’après-midi file, les écarts entre nous continuent de se creuser, premier test de la cohésion de notre équipée. On se réorganise, on s’attend. Important pour garder le moral et continuer à avancer alors que la luminosité diminue. Notre équipe s’arrête quelques minutes avant la tombée de la nuit. Ces temps de respiration sont nécessaires afin de maitriser notre effort, trop espacés ils démoralisent, trop rapprochés ils cassent le rythme. Le premier jour de marche nous nous arrêtons 15 minutes toutes les 2 heures, le second jour, 15 minutes toutes les heures et demies. On avance maintenant en suivant le rayon de la frontale dans la nuit qui s’épaissie, au loin les lumières de la ville de Fecamp projettent un halo lumineux rougeâtre vers lequel nous nous dirigeons. C’est à Fecamp nous remplissons une nouvelles fois nos gourdes à sec. Cette fois, chez un homme qui nous accueille avec le sourire et qui nous propose même des bouteilles d’eau minérale.

Mauvais tournant pris quelque part, ou manque d’attention sur le tracé GPS du GR et nous voilà obligés de gravir une côte raide pour retrouver notre chemin. Il fait nuit noire, nous la pente est abrupte, il n’y a pas de sentier et les herbes sont hautes. Les cuisses chauffent rapidement : on resserre les rangs.

Arrivés en haut, encore deux heures de marche de villages en village jusqu’à planter notre tente sur un terrain de football. Il est minuit. Certains d’entre nous auraient souhaité continuer mais nous avons décidé nous arrêter là pour aujourd’hui car les douleurs au pied de l’un d’entre nous pénalisent la progression et usent son moral. Nous nous économisons pour la dernière ligne droite.

Nous montons le camp machinalement, dans une ambiance venteuse et pluvieuse. Nous nous forçons à engloutir un lyophilisé avant de plonger dans nos duvets. Il faut prendre le temps de manger pour avoir de l’énergie le lendemain, même si nous sommes fatigués et que cuisiner est la dernière de nos envies.

A trois heures du matin, les bourrasques soufflent tellement fort sur la tente qu’elles réveillent Maxime et Valentin. Les rafales ont arraché l’abside la tente et menacent de s’engouffrer à l’intérieur de la tente. Les Vosges se rappellent à nous. Arrachés à nos cocons, nous sortons sous la pluie replanter les sardines. Rude Normandie.

A 6h00, réveil hésitant. Le vent ne s’est pas calmé. Il règne un bruit assourdissant dans la tente. Attendre ou sortir ? Après un bref moment de flottement nous sortons. Bonne décision, la chance nous sourit car le vent souffle depuis l’Ouest ce qui veut dire que nous l’avons dans le dos. Il nous pousse jusqu’à parfois nous faire trébucher. Il économise sérieusement nos jambes. Ça tombe bien car nous en avons besoin. Les kilomètres se font sentir. Nous ralentissons le rythme. Les muscles tirent et lancent, les pieds sont compressés et chaque pas accumule de la tension. Les blessures de marche s’accentuent pour l’un d’entre nous.

La fatigue se fait ressentir. Les pauses sont l’occasion de micro siestes, qui ne compensent pourtant pas le manque de sommeil résultant de deux nuits de 5h.

Aucun mètre n’est gratuit. Nous forçons la marche. Autant dire que ce n’est pas du sirop. Le groupe a tendance à s’effilocher et nous nous attendons mutuellement. Heureusement, Veulette-Seur-Mer se rapproche, nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de kilomètres. Nous adaptons la stratégie : multiplier les pauses tout en raccourcissant leur durée pour favoriser la récupération.

Nous arriveons à Veulette-sur-Mer à 13h, euphoriques. Mission accomplie pour les Engagés, non sans peine. Nous célébrons la fin de cette marche forcée avec une tournée de calvados et un bon repas. Vive la Normandie !

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