Symon Welfringer, Charles Dubouloz, Clovis Paulin signe la première répétition de la directissime de la Pointe Walker dans la face nord des Grandes Jorasses en 5 jours et 4 nuits. Une voie légendaire par sa difficultés dans un lieu mythique de l’alpinisme français, Symon Welfringer membre de la team du Vieux nous raconte cette folle ascension.
« Grandes Jorasses. Face nord. Hiver. Trois alpinistes. Cinq jours. Quatre nuit. Une voie jamais répétée. Voilà le décor et l’action d’une grande aventure telle que l’alpinisme nous l’offre parfois, de celles qui poussent les curseurs très haut, dans la difficulté, dans l’engagement mais aussi dans l’esprit de cordée au sens très noble du terme. Ce lundi 13 février 2023, Charles Dubouloz, Clovis Paulin et Symon Welfringer sont sortis au sommet des Grandes Jorasses après avoir répété la Directissime de la Walker, ouverte par Patrick Gabarrou et Hervé Bouvard en juillet 1986 et jamais répétée jusqu’alors. Au terme de cinq jours d’ascension, le trio réalise un vieux rêve, sous l’oeil complice de Gabarrou et Bouvard eux-mêmes.
Charles : « Là le vent se lève, Symon a les chaussons depuis trois ou quatre heures, il remet de la peuf sur les doigts, ce qui signifie chez lui qu’il va envoyer ! ». Clovis : « On se dit qu’il faut sortir. Symon tente à gauche sous un toit et paf, il se rétablit, s’explose la main en pitonnant et casse le marteau du piolet tellement il tape comme un sourd. Puis il nous dit que ça va le faire. Et là, il part dans la dalle, trouve un bac pour protéger et sort la longueur. »
Le taf du jour est fait et bien fait. Le crux est passé. Les cordes sont fixées. Symon a « sacrément géré ». La cordée est en acier trempé. Symon : « C’est hyper excitant de grimper des longueurs comme ça dans la face nord des Jorasses. Tu t’envoies des longueurs hyper raides, uniquement sur protection amovibles dans un niveau technique assez élevé, une ambiance austère et froide… Trouver une pseudo ligne de faiblesse dans un tel endroit, c’est incroyable. »
5h30. Même si le terrain est connu, la tension reste présente car le rocher est du genre amovible. Le premier doit grimper sur des oeufs, ou plutôt sur des épées de rocher branlantes et déversantes, façon Damoclès pour les seconds, planqués sous le sac de hissage.
Symon : « Dans ces épées, j’avais l’impression de faire de la glace, comme quand c’est délicat et que tu ne peux pas taper. Et puis le contraste a été incroyable. On est passé d’une section coupe-gorge ou rien ne tient, à l’ambiance ensoleillée et horizontale ». Clovis a l’honneur des trois dernières longueurs.
13h au sommet. La cordée prend le temps mais redescend vite de son nuage. Charles : « Là on est contents mais on ne peut pas s’empêcher de penser à la suite. La descente des Grandes Jorasses en hiver c’est toujours un chantier. » « Cette descente, c’est le moment où j’ai eu le plus peur finalement » confirme Clovis. Tant que les Rochers du Reposoir ne sont pas passés, l’ambiance est pesante. Ensuite, les risques objectifs diminuent mais la neige molle engloutit les alpinistes à chaque pas.
20h : une grande ascension se termine dans la nuit. La Directissime de la Walker a enfin été répétée. L’hiver limite les chutes de pierres très fortes sur le pilier et d’autres alpinistes auront peut-être envie de s’y frotter. Charles promet « un beau topo pour ceux qui nous le demanderont », histoire de laisser le goût de l’aventure à ceux qui préfèrent la recherche d’itinéraire. C’est tout l’esprit qui a animé cette cordée aussi solide que soudée. »
Photos © : Mathis Dumas / Millet